A 7 heure pile j’arrive à l’aérodrome ce qui déjà aurai du mettre la puce à l’oreille des plus habitués. Le vent est tombé mais les prévisions pour le retour ne sont pas très bonnes.
Qu’importe, mon passager et moi décidons d’écouter les optimistes dont certains, ô combien dignes de bonne foi sont prêts à me signer un papier m’assurant le retour avant dimanche. Comme ça sera ma seule grande sortie de l’année car courte et économique… je fonce.
Avec son passager Stéphane, René Manzano le plus motivé des motivés car il doit présenter son Corsario à ses pères en participant à ce mythique meeting d’hydravions, décolle en premier, suivit de Thierry qui part… pour un tour de piste : panne badin.
Retour au hangar pour nos deux machines. Soufflage des tubes, redressage des coudes et réalignement sur la piste puis… retour au hangar. Ouverture du tableau de bord et, ouf, un tube débranché.
Comme d’habitude, Charly Whisky devant avec Joël en passager, suivit par Tango India et mon passager Alban Gaudy suivit sans difficultés par le Sky 582 de Didier Corrette seul à bord.
Nous pensons rejoindre René à Cassagnes mais après un atterrissage turbulent nous apprenons qu’il a fait une halte à Courbessac pour régler un problème de train avant. René arrive, les pleins sont fait (pour ceux qui en ont besoin…), il y a une pompe de 95 sur place et nous quittons Cassagnes et sont tour de piste décidément très agité.
Bientôt les panaches de vapeur de la centrale de Golfech puis le lot et les deux étangs qui nous permettant de situer la piste de Montpezat. Je fais « comme CW ce qui me permet de poser sur la 10 – 28 absente de ma carte VAC, mais bon… je ne suis pas le seul.
Le restaurant de l’aérodrome mérite son titre de gastronomique en plus d’être copieux, trop copieux… Pleins minimum avec de la prohibitive UL91 et départ pour les Landes.
Les dernières prairies vertes du Lot et Garonne font place aux étendues de pins beaucoup moins accueillantes, sous un soleil de plus en plus voilé. Je laisse piloter mon passager et profite de l’absence de GPS pour me situer avec précision sur la carte : Tu vois le village dessous c’est Sore, …. Heu non, on va bientôt y arriver…. Non finalement on l’a déjà passé. Bon, ne perd pas CW !
A 15 mn de vol de l’arrivée, nous avons 40 à 50 km/h de face et notre Leader nous annonce sont intention de faire une longue finale en 27 ce qui, compte tenue de la présence d’un Afis force notre respect. Il nous fait remarquer que celui-ci ferme à 17h soit dans 10mn sauf que… il s’agit bien sûr de 17 h UTC soit 19 h locale.
Nous apercevons dans la brume les fumigènes de la PAF à l’entrainement, Thierry contacte la tour qui nous demande le numéro de demande préalable. Thierry lui fait part avec conviction de nombreuses et infructueuses tentatives pour le joindre par téléphone et même sur le n° de portable… c’est dire, et le contrôleur nous dit d’attendre environ 10 mn la réouverture du terrain. Il s’en suit un curieux ballet formé par trois Ulm suivant tous scrupuleusement les trajectoires facétieuses du CW en faisant de grands huit au dessus des Landes. Après chaque virage Thierry s’amuse de nous croiser les uns derrières les autres comme des cannetons derrière un canard fou. Il pousse même le jeu jusqu'à changer de sens ses virages et constate que ses cannetons suivent comme des moutons.
Le terrain redevient actif et Thierry contact la tour qui lui propose une longue finale en 27 qui nous laisse perplexe et lorsque nous arrivons à trouver un créneau radio, c’est une verticale terrain qui nous est demandée achevant de nous convaincre que : n’est pas Leader qui veut.
René nous quitte pour l’hydrobase, plus loin sur le lac.

En arrivant sur le parking j’entends mon suivant annoncer : Piste dégager ! puis la tour : Vous êtes sur que vous n’êtes plus sur la piste ? Heu… si pardon ! Je quitte la fréquence en ratant la suite… Le terrain est loin de tout mais les gens accueillants et les gérants de notre hôtel viennent nous chercher. Nous avons le temps de contourner un vaste lotissement jouxtant l’aérodrome sur les portails du quel on peut lire « Priorité aux avions ». Effectivement, les garages sont aussi grands que les habitations et nous aurons l’occasion de voir les gens rentrer chez eux directement de la piste à la maison avec leur machines.

Nous nous installons dans notre confortable studio (merci à Joël qui a fait le bon choix) et pendant que certains entreprennent d’aligner des « distingués » au bar du « Cottage », je pars en voiture avec la serveuse décidément prête à tout pour nous aider, chercher René et son passager à la base Latécoère de Biscarrosse à une dizaine de kilomètres. A notre retour nous ne pouvons que constater l’avance définitive de Thierry suivit de près par Joël…
Fabrice Quaix me téléphone et semble regretter de ne pas avoir pu partir avec nous. Il viendra demain.

Le lendemain nous passons à l’aérodrome de Parentis voir les machines et trouver une place dans un hangar pour Didier doutant de l’étanchéité du Sky. Puis nous rejoignons les « hydros » à Biscarrosse. Le spectacle vaut le déplacement et grâce aux badges « équipage » généreusement attribués à René par l’organisation (cinq membres d’équipage et deux pilotes pour un Corsario, deux fois plus que pour un Catalina…) nous pouvons entrer sur le parc pour admirer des appareils aussi mythiques que le Beaver…

René est comme un poisson dans l’eau et comme un goéland dans les airs et il enchaine les baptêmes. Il semblerai que son arrivée la veille en tirant la machine contre le vent en slip devant des photographes avides de scoops lui ai permis de jouir d’une côte de popularité particulière.

Les pleins se faisaient dans une petite crique isolée au charme exotique, au bord sud du lac, ou un grand noir sort de nulle part avec un bidon métallique plein d’essence dans chaque main.

Nous visitons le musé « Latécoère » peuplés de moteurs et d’avions délirants ou émouvants.

Dans l’après-midi une amie nous rejoint et ne résiste pas longtemps au charme du Corsario et de son beau pilote bronzé aux yeux bleus. Elle décide de surmonter sa « peur de l’avion » pour partir avec René. Il faut dire qu’elle a l’habitude du bateau et que René lui fait traverser le lac sur l’eau soit disant pour aller faire le plein… Lorsqu’il revient après un vol d’une quinzaine de minutes, mon amie est conquise… et veut passer son brevet de pilote Ulm.

Fabrice et Audrey se posent en fin d’après midi à l’Aérodrome de La Teste – Arcachon et nous rejoignent en taxi au « Cottage ». Nous y dinons ensemble.

Nous ne sommes pas surpris de nous lever sous la pluie et si celle-ci s’interrompt rapidement le plafond reste bas et nous interdit tout espoir de départ pas les airs. René est reparti faire des baptêmes au milieu, voir aux cotés des « gros » comme le Sikorsky S38 dans un balais qui vu de la terre semble un peu désorganisé mais qui en réalité… l’est vraiment. Si tout le monde reste en contact radio avec « l’Afis » installé pour l’occasion, chacun choisit son axe de décollage et d’amerrissage en fonction d’un vent faible et changeant mais heureusement tout le monde ouvre l’œil.

Nous, les terrestres nous restons au « Cottage », connectés à Météo France sur l’ordi de la réception et vers midi nous nous rendons inexorablement à la réalité, aucun départ en Ulm possible avant sans doute mercredi… La décision est prise, ceux qui doivent embaucher lundi matin : Thierry, Joël, Stéphane et Alban, prennent une voiture de location pour retourner au pays du Mistral, les autres restent, on va dire courageusement pour garder les machines.

Fabrice et Audrey se sont organisés, et ils viennent me chercher pour une visite des caves de St Emilion. En partant, nous déposons Didier à l’hydrobase. Les caves, visiblement ça le saoule.

Changement d’ambiance, St Emilion est un très joli village aussi petit que sa renommée est grande, ou le vin est partout, sur terre comme dessous.

Le soir c’est à Arcachon que nous dégustons un excellent plateau de fruit de mer tandis que Didier qui, contrairement à René, n’a pas de quoi loger sur l’hydrobase, s’inquiette de savoir à quelle heure je passe le récupérer. Il m’appelle toutes les vingt minutes pour être sûr que je ne l’oublie pas dans les verres de l’excellent vin blanc régional. Je dépose Audrey et Fabrice à leur hôtel de La Teste et c’est à minuit cinq (d’après le radar automatique) que je rentre à Biscarrosse.

Didier a déjà fait pas loin de cinq kilomètre en direction du « Cottage » lorsque je le récupère le pouce levé sur le bord de la route. Il semble soulagé en montant dans la voiture en pensant que le plus dur est fait… jusqu’à ce que nous arrivions à l’entrée du petit lotissement dont le portillon, ouvert dans la journée est verrouillé la nuit.

Nous n’avons bien sûr pas de code, la réception et fermée et tout le monde est parti dormir depuis longtemps. Je mets mon sac sur le dos et sans trop me poser de question j’escalade le portail surmonté de pointes destinées à éviter ce genre d’intrusion et qui me poussent à sauter illico. L’atterrissage et lourd mais sans rebonds.

Didier semble terrorisé à l’idée de dormir au pied du portail et entreprend l’escalade d’autant plus courageusement qu’il vient déjà de pulvériser son record de marche de l’année mais l’hésitation lui est fatale et il accroche sa ceinture sur les pointes acérées du portail. Je fais de mon mieux pour le libérer dans les plus brefs délais. La deuxième tentative n’est pas plus fructueuse. Il prend appuis sur la boite aux lettres qui sort de son logement dans un vacarme qui ne réveil malheureusement personne et laisse un trou béant dans le grillage. Didier tourne en rond comme un lion en cage, enfin hors de sa cage et je le sens prêt à tout pour rejoindre notre studio dont il rêve déjà depuis plusieurs heures.

J’aperçois la terrasse du bar et je fais passer une chaise à Didier. Je guide ses prises pour la montée, lui fait rentrer la chaise pour la descente, le guide à nouveau et le voila à l’intérieur sans casse. Il me saute dans les bras m’assurant que je lu ai sauvé la vie.

Dimanche, Fabrice et Audrey repartent retrouver leurs enfants par la route. Didier et moi retournons à l’hydrobase rejoindre René qui ne peut plus voler. L’eau a fini par endommager son hélice et il ne veut pas compromettre son retour s’il n’en a pas d’autre.

Nous assistons au deuxième show aérien avec la Patrouille de France et la non moins interressante « patrouille Breitling » composée de deux sterman et de leur charmante « wingwalker » volant en patrouille très serrée ou se croisant avec sur leur ailes deux jeunes filles aux chorégraphies synchronisées. Nous aurons même droit à un extra avec en fin d’après midi, avec le passage d’un des Sterman surmonté cette fois ci d’un homme qui semblait regretter d’avoir fait le pari fou d’être monté là.

Le soir nous sommes invités à la soirée VIP, un apéritif dinatoire organisé sous un grand barnum sur la plage. Bien sûr les huitres sont présentes à volonté et Didier en profite pour en faire sa cure annuelle. Nous discutons avec des tas de gens de l’Ulm qui nous invitent à nous poser chez eux et nous convainquent des dangers qui guettent notre voyage de retour.

La nuit s’avance et chacun fait des photos souvenirs, certains avec une des charmantes acrobates de l’équipe Breitling dans les bras, d’autres plus attirés par la stature rassurante d’un véritable trappeur canadien… Vers une heure nous allons nous coucher dans la chambre prêtée à René par l’organisation mais pour son malheur les ronflements sont tels qu’il fini par prendre son matelas et aller dormir dans les douches.

Lundi nous louons une voiture et partons sur Arcachon ou nous prenons un hôtel. Après avoir récupéré l’hélice du Corsario, René essais de trouver de quoi la réparer mais finalement nous décidons d’attendre celle que Fabrice nous propose de ramener mardi par la route

Pour Didier il s’agit d’une première « sortie Ulm » et avec René nous prenons très au sérieux notre rôle d’encadrement du « petit ». Il aura même droit à une leçon de conduite donné par le moniteur Manzano (voir vidéo).

Le soir nous fêtons l’anniversaire de René dans le même excellent resto d’Arcachon. Le dessert nous est porté triomphalement par le serveur briffé en douce par un Didier ravit de voir notre surprise devant tant de prévenance.

A l’extérieur la situation est plus préoccupante, la pluie s’installe et le vent se renforce. Malgré les prévision plutôt calmes de météo France, j’imagine avec inquiétude le Sky tirer sur ses amarres.

En rejoignant la voiture nous croisons trois vagabonds, sac crasseux sur le dos et chiens sur les talons. Je pense tout haut que ces pauvres gars sont arrivés en Ulm il y a quelques années et que la météo a fait le reste… ce qui nous détend un peu.

Mardi matin nous allons à l’aérodrome de Parentis vérifier si les machines n’ont pas bougé. Nous somme rassurés, non seulement les fixations au sol sont toujours tendues mais tout est sec, à croire qu’ici il n’a pas plu.

Le soir Fabrice arrive avec un ami et nous retournons au resto qui devient notre cantine… au point ou on en est… Comme d’habitude je rentre avec les « couches-tôt » et Fabrice et son ami vont faire un tour au Casino.

Mercredi matin : le retour, enfin on va voler… Nous décidons de partir tard car le temps joue pour nous, le plafond encore bas doit monter en cours de matinée.

Il faut savoir que si nous étions un peu seuls et loin de notre club préféré, une équipe de météorologues et d’experts en navigation travaillaient pour nous dans l’ombre. (oui, en Provence non plus il ne faisait pas beau) En effet, Pierre et Thierry n’ont cessé de nous renseigner sur les tendances météo, l’activité prévue des zones pour notre retour et sur la meilleure route à prendre. Pour une fois que je ne pouvais pas faire comme Charly Whisky, c’était plutôt rassurant…

René ramène le Corsario sur le terrain de Parentis, histoire de tester l’hélice (contre les volets fraichement refaits, c’est délicat un Corsario) et nous décollons ensembles pour Montpezat. Nous attendons le petit et le laissons passer entre nous pour ne pas la perdre. Comme prévu, le plafond monte suffisamment pour voler vers 2000 ft On voit même le soleil parfois. J’avais oublié comme ça fait du bien.

A Montpezat, nous prenons le temps de manger, voir même de faire une petite sieste dans les fauteuils du resto (ou nous sommes seuls) avant la fermeture à 16 h.

Malheureusement le soleil est trop timide et la couche ne se lève pas vraiment. Nous décidons de repartir vers 16h 30 pour tenter d’aller jusqu’à Millau. Nos météorologues sont d’un optimisme de plus en plus mesuré mais nous prévoyons divers solutions de replis.

Par moment le plafond monte, le soleil tente même une apparition et nous nous prenons à rêver de tâter enfin le mistral qui s’est levé dans la vallée du Rhône. Mais à une demi-heure de Millau, la visibilité se réduit et nous décidons de bifurquer sur Cassagnes à une petite dizaine de minutes de notre position. Les nuages sont trop bas pour une verticale terrain et nous arrivons en base à hauteur règlementaire mais la dérive dans les barbules des nuages.

Nous sommes groupés pour ne pas se perdre de vue. René se pose en fin de piste, le « petit » à mi-piste et moi je m’arrête pour remonter après le seuil décalé.

A peine posés notre assistance (Thierry et Pierre) nous envoie des numéros de taxi et d’hôtel.

Le terrain d’habitude animé ressemble là à un endroit perdu et le chauffeur de taxi nous avoue avoir été très surpris d’entendre passer des avions au dessus de chez lui avec ce temps. Pour 50 Euros il nous amène à Rodez dans un hôtel dont les chambres reflètent un peu nos fins de liquidités et nous prenons notre dernier repas « en famille » dans un resto ou vers 11 heures la patronne ferme les rideaux et décrète que nous sommes ses invités et que nous pouvons fumer à volonté… et nous offre la tournée de Get (ce qui me plait déjà plus).

Au petit dej Didier cueille quelques fleurs qu’il pose sur le plateau de René. Nous pensons qu’il est grand temps qu’il retrouve son épouse…

Départ vers 11 heures sous un soleil timide mais qui ne nous lâchera plus jusqu’à la maison.

Alex.