Mercredi 31 mai
Décidément ce mistral est tropfort.
Les Hautcoeur ont pourtant courageusement décollé dans une turbulence intense mais ils n’ont pas le choix « remorque », eux ! Hélas, nous oui, alors j’arrive pas à trouver le courage de les suivre, surtout quand ils me téléphonent pour annoncer 80 km/H de vent de face… C’est décidé, démontage, j’appelle Christian pour qu’il nous laisse sa caisse avec attelage et au boulot. 3 heures après, nous voilà fin prêts, le Sky en remorque, les ailes bien sanglées…mais voilà, le vent a encore forci et dès que nous tournons sur la 113, la remorque fait des écarts d’un mètre à chaque rafale ! Même à 60 à l’heure c’est intenable ! Je décide de désentoiler les ailes ; arrêt à Saint Martin de Crau et re-démontage après s’être fait prêter quelques outils chez un carrossier. Ca repart, pas bien vite, 90 au mieux mais la remorque suit maintenant sans histoire… Nous n’atteignons Montpezat qu’à 20H30,affamés. Le temps de nous sustenter un peu et nous remontons la machine, de nuit, sous les projos… 1 H du mat, on se jette dans la tente, épuisés…
Jeudi 1er juin
Réveil à 5H30 pour terminer de remonter le Sky.
Brice Giraudon en stage instructeur à Montpezat fait une prévol à ma demande (moi je ne suis plus trop sûr de ne pas oublier quelque chose, vanné !). Le damné méticuleux trouve un tube de croisillon cabine pété ! Réparation.
Départ pour Lumbier en Espagne à 9H30.
Ouf ! Vol de rêve, vent de nord qui rajoute 30 Km/H au GPS, visibilité fantastique sur les Pyrénées, encore pleines de neige. C’est beau, c’est calme, à part la descente sous le vent des montagnes qui charclote un peu.
Lumbier. On découvre les « rations », avec petit réchaud rigolo inclus, tout bien, conserves, dessert, café en poudre…mais rien pour le boire, le café ! Tu verses la poudre dans la bouche et tu bois de l’eau !Décollage pour San Torcuato. Le vent de nord ouest génère une turbulence intense sous les reliefs au vent, turbulence qui s’atténue ensuite sur la plaine de Logroño pour redevenir costaude à l’arrivée sur San Torcuato. Des forêts d’éoliennes sur tout le parcours. Longue attente pour les bagnoles à crever de chaud sur une piste déserte.Départ entassés sur les remorques pour un camping hors de prix. Repas au restau du camping (bon). Dodo avec le bruit de l’autoroute proche pour nous bercer. Dire que d’autres s’emmerdent dans des bars pleins de filles de rêve…
Vendredi 2 juin
Santo Cuerto – Villa Marco
Superbe vol calme sur les hauts plateaux du Pays Basque espagnol. Paysage époustouflant, plateaux ravinés par l’érosion, jaunes au-dessus, verts dans les fonds, gris là où les rochers affleurent, villages perchés, et du vent arrière pour avancer. Un régal.
Villa Marco – Mirandella
Sortie d’Espagne, arrivée sur les montagnes du nord du Portugal. Beaux paysages, de la verdure, des grands lacs de barrages, toujours de l’air calme en volant haut et du vent arrière.
Mirandella : on « rationne », toujours pas de gobelets et la flotte n’est même pas encore arrivée, d’où sécheresse du repas !
Mirandella – Espinho
Les montagnes montent de plus en plus haut, nous aussi, 8000 ft pour ne pas subir les turbulences inévitables sous le vent quand nous descendrons vers Porto (Espinho). Vallée du Douro en dessous, encaissée, magnifique, Porto à droite avec ses ponts « Eiffel », l’Atlantique devant. La longue descente est comme prévu un peu turbulente. Terrain en mauvais état en bord de mer, à ne pas confondre avec l’énorme base militaire à côté ! Au roulage on s’enlise dans le sable. Gag, des Belges s’enlisent derrière nous, je pense qu’ils veulent nous aider, je remercie, pas besoin, et roule ! Le soir j’ai droit à des remarques outrées, et pourquoi qu’on n’a pas aidé à sortir du sable une fois ?? Toute l’équipe RAID AIR est là, premier clash entre Yves Lemarchand et Picot, l’organisateur, sur la non présence de navette pour aller à l’hôtel en ville…Hôtel super, des apparts de plusieurs pièces, j’y vais à pied par la plage avec les Hautcoeur (qui campent, eux). C’est long, surtout chargés de sacs ! Le soir première légère beuverie au Porto avec quelques-uns de la Roumanie, retrouvés là. Excellent repas de Morue ! Il y en aura d’autres !
Samedi 3 juin
Visite de Porto, et c’est beau, plus que beau, grandiose. Nous n’en voyons qu’une petite partie, juste pour donner envie d’y retourner.
Repas dans un bon resto (poisson) touristique avec une patronne odieuse et rigolote.
Le soir grand repas d’accueil de tous les participants, plein de tronches déjà vues en Roumanie et quelques nouveaux… Une « Mme Cosmos », Julia, petite amie (croit-on) du patron de la boîte qui fera parler d’elle ! Une femme seule sur un « Hanuman », sorte de Sky indien, Florence, toute menue et jolie, qui deviendra, elle, extrêmement populaire en général.
Dimanche 4 juin
C’est parti pour Villaréal. Petit problème, le vent descend de la montagne en chantant, et fort dans les fonds de vallée, surtout celle du Douro, gorge profonde de 1500 m de dénivelé, les rafales zèbrent la flotte, au moins 80 à l’heure au fond. Brrr, doit pas faire bon être obligé de descendre dans ce machin.
Plus haut, c’est moins fort mais quand même, ça tape dur dans les rouleaux sous le vent.Et Villaréal c’est derrière la crête, pleine d’éoliennes qui turbinent à fond ! Nous montons en restant là où ça monte et passons l’inversion pour trouver le calme vers 6000 ft. Rajoutons 2000 pour passer les sommets confortablement et nous descendons dans le trou de Villaréal, mais c’est plus calme côté au vent. A Villaréal, accueil super avec cafés et petits gâteaux.
Villaréal – Viseu
La deuxième étape du jour est facile, un plateau immense, posable, c’est joli et sec… A Viseu, nous mangeons, fort bien. En début de repas Picot annonce qu’il manquait un pendulaire à Villaréal, qu’on le cherche. Mon appétit disparaît, je sais qu’il est mort dans cette saloperie de gorge…confirmé par Picot, en fin de repas, effondré qui nous l’annonce au dessert… Nous partons visiter la ville, belle église baroque, cloître plein d’azuleijos…
Viseu – Seio
Dernière petite étape, inutile de dire que j’aligne les champs posables les uns après les autres. Ce genre de nouvelle, ça calme ! A l’arrivée, j’attache le Sky sous les ailes d’un Catalina abandonné là. Bel effet ! Hôtel somptueux, repas grandiose, il faut ça pour penser à autre chose.
Lundi 5 juin. Seia – Castello Branco
Tomar – O bidos
Superbe nav qui nous fait passer de la montagne au bord de la mer, avec 2 posés intermédiaires sur des terrains techniques, vent de travers ou au bord de gorges, Lemarchand commence à comprendre comment s’intégrer et se placer quelle que soit la piste, il bosse dur ! Obidos est une petite piste écrasée de soleil, au bord d’une lagune ; le repas est…somptueux, la ville médiévale intacte est trop jolie. Belle étape. En fin de journée nous repartons pour Santarem, qu’hélas nous ne visiterons pas car nous traînons des heures sur l’aérodrome hideux, le bar est justement fermé, et nous partons très tard à l’hôtel (très bien). Le repas offert par le maire est…somptueux, Julia, la Mme Cosmos, filme chaque table en hurlant ses commentaires, elle commence à être copieusement haïe par deux tiers de l’assistance…
Mardi 6 juin. Santarem – Palma – Lagos
Le bus qui nous mène à l’aéroport est détourné ! Il part en sens inverse…Nous ne comprenons qu’à son arrêt dans une zone industrielle, au siège de la compagnie : hier soir Julia a laissé son appareil photo dans un autre bus et elle a persuadé le chauffeur d’aller le lui chercher ! Ha, la diablesse, elle sait se faire haïr ! Vent de sud turbulent jusqu’à Palma, une grande étape pour contourner Lisbonne.
Ca charclote partout et l’atterro à Palma, vraie piste ULM au milieu des arbres, vent de travers, est folklo ! Pour descendre sur Lagos nous rejoignons la côte mais le vent qui vient de terre reste un peu turbulent… C’est très beau, sauf le massacre programmé du littoral pour contenter des hordes d’investisseurs immobiliers. Triste.
Plus on arrive vers le cap st Vincent plus le vent de sud forcit, tellement que quand on vire vers Lagos, abandonnant l’idée de contourner le cap on se retrouve à 60 Km/H sol ! Et entre nous et Lagos sur la côte sud il y a cette #&§ ! de montagne qui te génère de ces tabasses ! Obligés de se bagarrer une heure pour rejoindre l’aérodrome, les turbules finissent au parking ! Bien mérité une bonne nuit d’hôtel…Eh ben non ! D’hôtel, point ! Nous sommes hébergés dans un bungalow avec 2 autres raiders… Lemarchand pète, à juste titre, les plombs, disant qu’il n’a pas payé 80 € par nuit d’hôtel pour partager un bungalow avec ceux qui n’ont rien payé pour dormir sous la tente ; Picot le jette en disant qu’il n’a qu’à se trouver un hôtel en ville ! Donc acte, nous voilà partis dans un joli hôtel à 40 € la nuit que le Picot remboursera en essence ! Le soir repas somptueux, brésilien ! Picot fait un speech sur le comportement de la Julia dans le bus du matin, promettant de lui régler son compte, mais quand elle arrive plus tard, toujours aussi discrète en hurlant bonjour à chaque table, il s’écrase mollement ! Quelle bouche !
Mercredi 7 juin
Journée de farniente, le matin petit vol sympa jusqu’au cap St Vincent avec Florence sur son Hanuman, qu’elle pilote toute seule depuis la France avec brio. Pas une turbule, le vent vient de la mer, c’est très beau, la côte ocre pleine de grottes, creusée de criques à plages jaunes et à gauche l’Atlantique, le Brésil et l’Antarctique plus loin, sensation … L’après–midi à la plage, après les grillades (poisson) délicieuses, arrosées de « vinho verde »… Je suis un peu plombé, en plus ça cogne dur le soleil par ici… Le soir j’oublie le nom du resto et je le cherche un moment, le trouve grâce à un pendulaire tardif qui se pose presque à la nuit, juste pour me renseigner, encapé pile grâce à un rush en taxi jusqu’à l’aérodrome…
Jeudi 8 juin. Lagos – Figueira dos Cavaleros – Evora – Almeira
Vol haut et vent arrière jusqu’à Figueira, le Sky y arrive bon premier…C’est l’Alentejo, jaune et vert, parsemé de forêts de chênes liège, d’oliviers, vallonné, avec des lacs de barrages bleus, une splendeur vu d’ici. On repart pour Evora en restant plus bas, dans des thermiques qui nous secouent pas mal à l’arrivée. Le repas à Evora est le plus somptueux de tous, rien que les amuse – gueule sont une fiesta, crevettes, sardines, acra, saucisses, jambon et j’en oublie, à profusion renouvelés dès qu’une assiette se vide, arrosés de vinho verde bien sûr !!! Et viennent les plats, des ragoûts délicieux, viandes fondantes, plus les salades, les soupes (si, si) et les desserts maison ! La visite (rapide) d’Evora ensuite est du genre traînage de papatte… Pour se désembrumer l’esprit on se fait le vol jusqu’à Almeira en radada, nav à la trace sur la carte à respecter au millimètre, comme en compète.
La piste à Almeira monte, entre les arbres, avec petit vent de travers. Un régal. Il fait 32°. La bière au petit bar qui jouxte est servi par une brésilienne exilée ici après va savoir quelle galère, grande et baraquée, étrange… L’hôtel a une piscine immense et un…lac privé avec pédalos, chevaux, vélos pour se balader…Pas mal, le Picot se rattrape sur le coup ! Lemarchand en prend bain sur bain dans la baignoire de notre « loft » en duplex siouplaît !
Vendredi 9 juin. Almeira, 2ème jour
Petit vol pour aller visiter une usine où on fabrique des NCR 01(un ULM ultra rapide), grillades (poulet) à l’usine, visite sans intérêt, discussion avec Julia qui commence à trouver le monde ulmiste moins drôle en général et le dirigeant de Cosmos en particulier, disons même que leur relation tourne à l’aigre, comme prévu. La brésilienne me confirme que son rêve d’Europe transformé en quasi esclavage dans un trou portugais est plus proche du cauchemar…
Samedi 10 juin. Almeira – Coimbra – Aveiro – Espinho
Magnifique vol au – dessus d’une couche de nuages dense, parsemée de trous, comme dit Florence pendant la nav : « Tout va bien, je suis
à x Km de Coimbra et j’ai de beaux trous » !… Posé à Coimbra juste pour ravitailler, visiter sera pour un autre jour… Ca repart pour Aveiro, changeons de style, le radada sur la longue plage s’impose, 50 Km devant nous, l’océan à gauche, le sable en pente à droite en soaring sur les dunes, on se prive pas. Un ULM à droite, un à gauche, un autre au – dessus…c’est chaud ! La claque déceptionneuse à Aveiro quand on se tape 2 heures de bus brinquebalant pour aller mal bouffer dans une cantine de zone industrielle ! Explication : nous devions y aller en bateau, en effet la ville est à 5 Km de l’aérodrome…de l’autre côté de la lagune ! Mais les bateaux ne fonctionnent pas pour cause de fête nationale ! Et personne de l’organisation n’était au courant ! Surréaliste ! Plus que 40 Km de vol sur la plage et nous voilà de retour à Espinho, trop tard pour aller à Porto faire nos achats comme prévu ! Ha les cons ! J’arrive in extremis à trouver du porto à Espinho dans la dernière boutique ouverte. Le soir fête de clôture, tout le monde s’embrasse, demain faut se taper le retour, putain qu’on est loin de la maison !
Dimanche 11 juin
Lever dès l’aube pour un départ vers Villa Marco à…350 bornes en Espagne…Tous les paysages découverts à l’aller défilent, le Douro, les montagnes, les barrages puis la plaine jaune de blés en Espagne. Vol au calme, très haut (8000 ft) avec un petit vent arrière…Juste l’envie de pisser après 2 heures de vol qui tenaille… A Villa Marco on glande en attendant tout le monde pour manger une paella, assez bonne mais chère et peu copieuse… Nous re-décollons en plein après – midi pour Lumbier au pied des Pyrénées ; encore 300 Km. Hélas l’aérologie n’est plus pareille, les thermiques sont gigantesques, violents, tapeurs, et en plus le vent tourne de face. On se pose à Santo Cuarto pour souffler. Atterro vent de travers sur une piste entourée d’arbres. Très formateur, comme on dit… On re-décolle à la fraîche, les thermiques sont calmés plus que le vent…Il tourne sud en arrivant à Lumbier, très beau vol de pente au – dessus des centaines d’éoliennes.
Lumbier : même pas en chiotte ou un point d’eau, nous partons à pied vers le village très joli pour boire une bière et manger de bons sandwiches. Le pauvre châtelain Ardéchois Laurent se transpercera la main plus tard avec un piquet en montant la tente ! Demain il volera avec une main en charpie ! Tente inutile car au milieu de la nuit la bourrasque se lève, nous avec pour replier en catastrophe et dormir à la belle, avec scarabées pinceurs qui nous taquinent toute la nuit ! Les malins ont re-décollé à 20 heures pour sauter les Pyrénées et dormir en France…Comme ils ont bien fait !
Lundi 12 juin
Que ça souffle ! Du sud, en rafales.
Chaque barre de montagne, orientée est/ ouest, génère des lignes de rotors et de lenticulaires…J’aime pas ça !
Un pendulaire courageux décolle juste après le Savannah d’Alain Coste, ho que ça charcle ! 20 minutes après il annonce à la radio que tout est bouché derrière les Pyrénées, mer de nuages à perte de vue…En plus la prévis météo annonce un fort vent d’autan vers Perpignan… L’option suivre les montagnes vers l’est pour passer par la Méditerranée n’est pas d’actualité. Attente. Vers midi les nuages se dissipent côté français. Faut y aller. Décollage dans la lessiveuse aérologique, je vise les rotors côté au vent pour prendre le maxi d’altitude en peu de temps, j’arrive à choper des varios à 2000 ft/min, jamais monté aussi vite à 6000 ft ! Ouf, c’est plus calme, on passe les Pyrénées à presque 11000 ft, vent arrière, à fond vers Montpezat d’Agenais pour le rendez–vous avec nos bagages.
Montpezat – Eyguières
Lemarchand est parti en voiture avec la remorque, je poireaute pour les bagages, je sens que je vais devoir passer la nuit par ici… Et puis Skydog, un couple qui voyage avec un chien blanc dans un Sky blanc me propose de me les larguer à Eyguières au passage, ils rentrent par la route avec le Sky en remorque. Alors fonçons, 17h45, juste le temps si le vent d’est est pas trop fort. Il y est le vent d’est, je rame, j’y arriverai jamais avant la nuit…Et si j’allais voir au–dessus de la couche d’inversion vers 8000 ft ? Ca marche, le GPS passe de 95 à 105, 115…135, 145. Youpi, y’a du vent d’ouest en altitude… ! Je passe l’Aigoual à 9000 ft, Nîmes vient de fermer, Istres inactivé, plus qu’à se laisser descendre vers la maison…C’est fini, posé à 8h45, 30 heures de vol en 10 jours et plein de frissons rétrospectifs…Pour nous, Yves, Georges, Christian, Marie, Philippe, c’est fini, à vous !
Georges Truchet